Du besoin de vider la baignoire sans faire passer le bébé par la fenêtre

Douglas Wilson (pasteur Réformé du centre des Etats-Unis, fin orateur et écrivain), en parlant du fait de critiquer des tendances dans le christianisme soutient que ne critiquer que ceux en dehors de notre milieu théologique ou méthodologique relève du sectarisme, mais que critiquer les problèmes au sein de notre propre maison peut apporter de la réforme. Tim Keller parle aussi de ça, en disant qu’il est plus disposé à faire de l’humour sur sa propre dénomination dans sa prédication, alors qu’il parlerait des désaccords qu’il aurait avec d’autres leaders ou mouvements en privé.

C’est par politesse, amour et respect envers nos frères, mais aussi parce que Jésus nous demande de sortir la planche de notre oeil avant d’aider les autres.

L’injonction que Wilson – un cessationiste* qui reçoit des paroles prophétiques (voir sa discussion sur cela avec Mark Driscoll ici) – fait aux charismatiques est celle de faire le nettoyage chez eux. La conférence Strange Fire de John MacArthur (l’anti-charismatique par excellence), dit-il, ne sort pas de nulle part: elle est le résultat d’un silence général des charismatiques sur des confrères qui virent dans des excès sectaires et hérétiques. Je ne suis pas entièrement d’accord, car il y a plein de choses qui sont dites de la chaire qui ne se trouvent pas sur internet. Cependant, j’aimerais quand même, en tant que charismatique, offrir quelques pistes sur lesquelles réfléchir.

Je sens pouvoir parler de ça car j’ai aussi eu des tendances excessives dans ce domaine et j’en suis revenu avec le temps, l’expérience et la Parole de Dieu.

Quand j’ai su que les dons de l’esprit étaient pour aujourd’hui, je ne pouvais pas continuer dans ma vie chrétienne sans en recevoir, j’ai donc demandé, demandé et j’ai finalement commencé à parler en langues. J’ai continué à demander et j’ai aujourd’hui des paroles de sagesse pour les gens pour qui je prie, je reçois des images pertinentes aux situations des gens parfois, très rarement des paroles de connaissance (disant des choses que je ne pourrais savoir de la personne en face), et je vois de temps en temps des gens guéris instantanément de douleurs et autres choses. Je pense que c’est une réaction saine quand on apprend que Dieu a des cadeaux et des outils pour nous, que de les demander avec insistance. Néanmoins, j’ai aussi versé dans le guru-isme, cherchant à me rapprocher des grands leaders qui semblaient avoir des dons puissants, et même dans le sentimentalisme et l’hérésie. Une fois en particulier, je dis qu’une parole très forte qui m’avait été donnée était, pour moi, “comme un second évangile”.

À l’époque que j’ai dit cela, un ami très proche m’a repris, et que pense que cela soit sain. Il nous faut des personnes stables et bien fondées dans la Bible pour discerner ce qui est faux de ce qui est juste. Malheureusement, parfois ceux qui pensent l’être ne le sont pas, et l’on accuse de méchanceté et d’intellectualisme ceux qui défendent un christianisme historique, biblique et qui ne divague pas dans des notions spiritualistes.

Je suis content d’appartenir à Nouvelles Frontières car je vois dans nos églises un désir de s’approcher le plus possible d’une façon de vivre l’Eglise et d’une foi proches de celles décrites dans la Bible. Cela veut dire qu’on attache plus de valeur aux paroles de la Bible qu’à une tradition, mais cela ne nous détache pas de toute tradition. Le Nouveau Testament parle de l’utilisation des dons dans le culte et dans l’évangélisation comme quelque chose de normal, que tout chrétien devrait vivre, néanmoins, le même passage qui parle de ça nous dit aussi d’évaluer les paroles apportées.

Je désire que vous parliez tous en langues, mais encore plus que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est plus important que celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n’interprète pour que l’Eglise reçoive une édification. (1 Corinthiens 14.5)

Lorsque vous vous réunissez, chacun [de vous] peut apporter un cantique, un enseignement, une révélation, une langue ou une interprétation. Que tout se fasse pour l’édification. Y en a-t-il qui parlent en langue, que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour, et que quelqu’un interprète. S’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise dans l’Eglise et qu’on parle à soi-même et à Dieu. Quant aux prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres évaluent leur message. Et si un autre membre de l’assistance a une révélation, que le premier se taise. En effet, vous pouvez tous prophétiser l’un après l’autre, afin que tous soient instruits et que tous soient encouragés. L’esprit des prophètes est soumis aux prophètes, car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. (1 Corinthiens 14.25-31)

Que signifie ce passage si ce n’est qu’on n’a pas le droit d’excuser n’importe quoi en invoquant une certaine “spiritualité” ou “onction”. “L’esprit des prophètes est soumis aux prophètes”! Normalement, ils ne devraient pas être emportés et incapables de contrôler ce qu’ils disent. Donc c’est à eux aussi de discerner si ce qu’ils disent est biblique. De même, “que les autres évaluent leur message”. Nous ne sommes pas censés accepter toute parole comme venant de Dieu. Même dans l’Ancien Testament Dieu demande au peuple d’évaluer ce que dit un prophète, et on peut imaginer que les livres de l’AT ont été gardés par un peuple qui, craignant Dieu, ont vu les prophéties de Moïse, de Samuel, de Jérémie, Esaïe et Ezéchiel se réaliser. (D’ailleurs, dans l’AT, si un prophète faisait des déclarations qui éloigneraient Israël de Dieu, il était censé être mis à mort.)

Les principes du NT nous mettent dans la position difficile de soutenir et encourager des personnes qui se trompent parfois quand ils se lancent dans les dons de l’Esprit, tout en les aimant. Je vais faire des erreurs dans ma prédication, dans les choses que je dis, ce n’est pas pour autant que je suis un faux prophète. Certaines personnes ont peur d’apporter quelque chose qui leur vient de Dieu par peur de se tromper et d’être embarrassés. Je pense que ce passage nous donne une grande liberté pour nous lancer, nous tromper et grandir dans ces dons! Mais quand quelqu’un veut corriger une manière de faire, ou une erreur doctrinale, il est très difficile laisser nos émotions de côté et si quelqu’un critique un orateur qu’on admire ou qui nous a béni personnellement avec son don, il est difficile de ne pas se sentir vexé.

Le charismatisme est une mouvance que je crois venir de Dieu. Il se répand dans le monde entier, sans être uniforme, ni attaché à une tradition particulière, mais créant parfois de nouvelles traditions et un nouveau langage chrétien. Cela peut-être bénéfique: si c’est libre et incontrôlé, ça l’empêche d’être sectaire et manipulable (même si, on dirait que la manipulation arrive facilement). Parfois ce n’est pas bénéfique, car non-ancré dans le texte biblique. C’est donc le travail des charismatiques responsables de vider l’eau mauvaise (et il y en a, de l’eau très sale, corrompue, avide d’argent etc.), en continuant à aimer le bébé qu’on protège, afin de l’aider à devenir une personne mûre.

Certains disent que ceux qui mettent des bémols et des limites sur ce que prêchent certains orateurs sont trop carrés, trop exigeants, qu’il est impossible d’être théologiquement toujours parfaits. Je suis d’accord que personne n’a une théologie parfaite, cependant cela devrait être notre espoir et le but sérieux de tout croyant. Bien sûr, si la personne qui critique se place elle-même au dessus de toute critique, il y a un gros problème. Nous devons laisser la parole nous transformer et nous juger. Mais les croyants ne doivent pas non plus oublier que : “ceux qui enseignent seront jugés plus sévèrement.” (Jacques 3.1). Par Dieu et par les hommes, c’est aussi pourquoi dans la même phrase, Jacques dit: “Ne soyez pas nombreux à vouloir devenir des enseignants”.

Par cet article, finalement, je veux nous appeler à ne pas élever certaines personnes au-dessus d’un jugement approprié. Il faut soumettre tout enseignement à l’autorité du texte biblique. Parfois, nous entendons des enseignements qui sont novateurs et on trouve cela très intéressant, puissant, libérateur, mais si c’est complètement novateur, il est très possible que ce soit de l’erreur.

Récemment, un orateur charismatique très célèbre est venu prêcher à Genève. Intéressé, j’y suis allé et ai encouragé l’église à venir aussi. J’étais surpris de voir combien de monde il y avait, de tant d’églises différentes. C’était en partie encourageant. On sentait qu’il y avait une attente très forte de la part du public, mais en même temps une idéalisation de cet orateur. Ce soir-là, il y a eu des guérisons. Super. Magnifique, je suis heureux que Dieu guérisse aujourd’hui et qu’il y a des chrétiens qui nous apprennent à chercher cette manifestation de Dieu, à prendre Jésus au sérieux quand il dit qu’on ferait des oeuvres comme les siennes. Je recommande en particulier le livre de Simon Holley, Sustainable Power, dans ce domaine (que j’espère, un jour, sera traduit en français). Cet orateur a également donné des bons principes de prière dans ce domaine, et encouragé tout le monde à prier pour la guérison à la fin de la réunion. Il ne s’est pas montré comme un guru et j’en suis reconnaissant.

Néanmoins, certaines choses ont été dites ce soir-là qui étaient très ambiguës, voire complètement fausses. Ce qui me faisait peur, c’était qu’en entendant ces choses-là, j’entendais des gens dans la foule crier: “WAOUH! WOW! Amen, Alléluia!”

J’étais vraiment choqué et triste à ce moment-là, car cela montrait un véritable manque de discernement, de jugement par rapport au texte biblique. Pour cela, je voulais vraiment dire qu’on ne peut pas apprendre notre théologie de ces personnes. Il nous faut un enseignement clair, non-ambigu, et ancré dans le texte. Je me trouvais bien plus proche du discours d’un cessationiste comme Douglas Wilson que de cet homme. Je suis reconnaissant pour ce que Dieu fait à travers lui, mais on ne peut pas exonérer un leader qui se doit d’être fidèle au texte avec le prétexte que l'”onction est sur lui”.

Encore une fois, j’aime le fait que dans notre mouvement, on puise de la théologie réformée et on apprend de ceux qui expérimentent les dons charismatiques. Mais surtout, historiquement, nous avons su créer un discours qui ne met pas les charismes en opposition à la théologie. La Bible nous donne les deux et c’est pourquoi nous croyons qu’être ancré dans la parole nous donne également les fondements pour les dons charismatiques. Ce n’est pas pour autant que nous allons chercher à aller au-delà de la Parole révélée, ce qui est parfois le cas. Si nous arrivons à faire cela, nous contribuerons énormément au mouvement charismatique, en y apportant une réforme d’exactitude théologique, d’amour pour la Parole, ce qui est un amour pour Jésus, car il nous demande d’obéir à son enseignement.

Donc, ce “petit” post pour encourager tout le monde à remettre en question ce qu’ils entendent, surtout si c’est quelque chose de “révolutionnaire”, car tout à été dit dans l’histoire de l’église. Les idées “révolutionnaires” au-delà de ce que Jésus a accompli sont souvent des erreurs. Et j’espère ainsi que nous aurons des mouvements charismatiques qui ne se perdent pas dans des idées d’hommes mais qui restent ancrées dans ce que l’Esprit nous a révélé à travers ses Ecritures.

*Cessationisme: la théologie qui enseigne que certains des dons de l’Esprit ont cessé au moment de la mort des Apôtres, ou vers la fin de leurs vies, quand le Nouveau Testament a été complété.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *